La Loi de modernisation de notre système de santé a été publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2016 ///
Le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) expliqué par « Action Praticiens Hôpital » : « GHT ? Kesako ? »
Le texte de la Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé sur Légifrance
« GHT ? Kesako ? »
L’acronyme GHT = Groupement Hospitalier de Territoire, ce qui signifie coordination des hôpitaux d’un territoire autour d’une prise en charge partagée.
« C’est une fusion ? »
Non, le GHT n’aura pas de personnalité morale, chaque hôpital gardera sa responsabilité juridique. Mais ils seront organisés autour d’un hôpital support qui devra assurer pour les autres certaines fonctions ou activités.
« C’est du CHU-centrisme ? »
Pas forcément, les hôpitaux non-U peuvent se regrouper entre eux. Mais chaque GHT sera associé à un CHU.
« Et les cliniques ? »
Elles ne pourront qu’être partenaires, ce qui les énerve beaucoup !
« Alors, c’est la fermeture cachée des petits hôpitaux ? »
Peut-être que certains plateaux techniques fonctionnant à coup d’intérim vont fermer. Mais les « petits » hôpitaux vont continuer à fonctionner, selon le projet médical partagé, grâce à des équipes médicales communes.
« Projet médical partagé ? Equipes médicales communes ?
Ce n’est pas encore du langage techno ? »
Oui peut-être. À nous de nous imposer. À nous de nous parler en tant que médecin et pharmacien du territoire. À nous de ne pas se faire imposer des projets technos. La tutelle ne devrait approuver que des GHT avec un projet médical partagé.
« Mais partagé par qui ? Comment ? et la CME au milieu de tout ça ? »
Les équipes du GHT vont devoir ensemble écrire leur projet, les mutualisations éventuelles, les transferts éventuels d’activité. Les CME de chaque hôpital vont persister, mais une CME commune devra être installée, pour valider ce projet médical partagé, ces projets d’équipes, travailler sur la permanence des soins, le DPC.
« Bizarre que tout tourne autour du projet médical, et que font les directeurs ? »
Il va y avoir un comité stratégique de GHT, où les PH seront minoritaires.
« Ça m’étonnait aussi… Et nos élus, ils n’ont pas peur d’être exclus ? »
Ils auront un comité territorial des élus, sûr que certains vont être à la manœuvre !
« Et si aucune équipe ne veut travailler ensemble ? »
Pour l’instant, la législation impose que les DIM soient regroupés, pour que la facturation et les comptes financiers soient fusionnés.
« C’est tout ? »
Non. Les disciplines médico-techniques (imagerie, biologie, pharmacie) vont être regroupées, avec une organisation commune au sein du FHT.
« Et pour les spécialités cliniques ? »
Selon le projet médical commun, selon les spécialités et activités, certains PH pourront travailler sur plusieurs sites. La télé-médecine va se développer, jour et nuit .
« Télémédecine ? Mais ça n’existe pas dans nos statuts ! »
Il va falloir que les syndicats se battent pour lui donner une existence légale.
« Tous ensemble ? Même les psychiatres ? »
Malgré leur opposition, les hôpitaux psychiatriques devront faire partie d’un GHT, y compris des GHT polyvalents. Mais ils n’ont pas dit leur dernier mot car ils ont beaucoup à perdre, notamment parce que les modalités de financement de la psychiatrie publique sont très différentes de la T2A.
« C’est la promotion aux maternités gigantesques, aux blocs polyvalents travaillant tard le soir ? »
Oui, tout va être réorganisé selon le projet médical partagé : d’où la nécessité d’y participer, si on ne veut pas se faire imposer des conditions de travail inhumaines, qui entraîneraient des départs massifs.
« Et les urgences ? »
Leur territorialisation est déjà en route, puisque contenue dans la circulaire urgentistes : ça va donner un cadre juridique à leurs restructurations.
« Et moi, qu’est ce que je vais devenir ? On va m’obliger à aller bosser à l’hôpital qui est à 60 km de chez moi ? À passer tout mon temps en voiture ? Je n’aurai plus mon équipe avec qui je m’entends bien, avec qui on fait le max pour les patients ? »
Personne ne devra rester sur le carreau : si ton poste est supprimé, après concertation sur le projet à laquelle tu vas participer, tes syndicats vont se battre pour que tu sois prioritaire pour muter sur l’hôpital de ton choix, GHT ou ailleurs. Aucun agent ne devra être muté ni mis en recherche d’affectation contre son gré, ni obligé à se nomadiser contre son gré. L’examen de la situation personnelle de chaque agent doit conduire à lui proposer une solution adaptée à son lieu de résidence et ses compétences. Les syndicats de PH y veilleront, localement et régionalement via les CRP.
« Bof, ça va encore être selon les décisions du trio infernal directeur, président de CME, chef de pôle. On commence à avoir l’habiture ? »
Oui c’est un risque énorme. C’est pourquoi nous nous battons pour que les chefs de service et d’équipe soient choisis en consensus avec les équipes médicales, et que leurs fonctions soient évaluées. Et pour que le projet médical soit vraiment établi au plus près des équipes.
« On n’a pas fini de voir craquer les collègues ! »
Il va falloir imposer une surveillance de la santé au travail des médecins, imposer que ça soit organisé et surveillé au sein de chaque GHT et au niveau des ARS. Il faudra être très vigilant sur les conditions de travail, le temps de travail etc. Sinon gare aux conséquences…
« Et l’objectif final, c’est que ça coûte moins cher, encore des économies sur le dos des soignants ? »
Oui bien sûr : derrière tout ça, l’objectif est que la santé coûte moins cher. À nous d’imposer les notions de sécurité des patients, de soins optimum, de ne pas dégrader les conditions de travail, le sens que nous donnons à notre travail, le plaisir que nous en retirons.
La création des GHT inquiète tous les acteurs de la santé, mais parfois pour des raisons opposées. Les personnels hospitaliers craignent à juste titre qu’ils soient l’instrument de restructurations brutales dont ils seraient les principales victimes avec les patients. Les acteurs libéraux et les cliniques craignent qu’ils redonnent au secteur hospitalier public une plus grande efficacité, source pour eux d’une plus grande concurrence. Les directeurs craignent une hiérarchie trop pesante émanant de l’établissement support, avec perte d’autonomie.
La réalité est que les GHT seront ce que les pouvoirs publics et surtout, les acteurs de terrain, voudront bien en faire. Il appartient à tous de s’impliquer dans les modalités de mise en œuvre afin qu’elles soient conformes à l’intérêt du service public, de ses usagers et de ses agents. Ils peuvent être une opportunité pour des restructurations harmonieuses, sous conditions d’un projet médical consensuel pour ses acteurs, et du respect des intérêts des patients et des personnels hospitaliers.
Pour Action Praticiens Hôpital :
Nicole Smolski, Présidente APH
Jacques Trévidic, Président CPH, Vice-Président APH
Max-André Doppia, Président AH, Vice-Président APH
Marc Bétremieux, Secrétaire général APH